Questionnaire Eco-Safe Surfing : besoins et vision des moniteurs responsables d’écoles de surf concernant la formation technique
Ce questionnaire a été rempli, entre janvier et mars 2018, par 10 moniteurs de surf du Sud des Landes (titulaires du BEES ou du BPJEPS), ce qui pour un sondage représente un tout petit panel. Toutefois, il fait écho à des propos que nous entendons fréquemment dans le milieu des moniteurs de surf et gérants d’écoles de surf. Si nous avions disposé de plus de temps, notre intime conviction est que nous aurions obtenu les mêmes résultats. Lorsque nous parlerons d’écoles labellisées, il s’agira du label École française de surf délivré par la FFS.
Il va sans dire que ce questionnaire interroge d’abord la formation émise par la France et non les dispositifs existant dans d’autres pays.
Notre ambition était de vérifier et de poser sur un document écrit ce qui n’était jusqu’alors exprimé qu’oralement.
Nous voulions ainsi donner la parole à une profession qui n’est que très rarement consultée sur ses besoins en formation technique, et sur ses problématiques internes en général.
Notre souhait, à l’heur où la région s’intéresse à cette profession, est que la formation évolue pour préserver le niveau de qualification et la santé des acteurs de ce secteur.
Voici le résultat de notre enquête et axes de réflexion qui en découlent :
1. Adhérez-vous au label Ecole Française de Surf de la FFS ?
60% des écoles interrogées prennent le label FFS, 40% ne prennent pas ou plus ce label.
2. Avez-vous besoin de stagiaires ? En bénéficiez-vous chaque année ?
Les écoles de surf recherchent un stagiaire à former puis à embaucher :
100% ont répondu OUI ou n’ont pas répondu, à la question du besoin en stagiaires.
100% répondent ne pas bénéficier de stagiaires pour la saison 2018 (parmi eux, 10% déclarent avoir eu un stagiaire par le passé).
Les écoles labellisées elles-mêmes, une de leurs motivations pour adhérer au label FFS étant d’obtenir un stagiaire, ne peuvent visiblement pas en avoir.
3. A votre connaissance, existe-t-il un dispositif de formation, en dehors du BPJEPS, qui permettrait à votre école de former un stagiaire ?
100% ont répondu NON.
Deux réponses sont nuancées par l’évocation de diplômes non français, l’ISA, ou du diplôme allemand d’enseignant surf.
4. Que pensez-vous du fait de devoir être une école labellisée FFS pour pouvoir bénéficier d’un stagiaire ?
A cette question, 20% des interrogés jugent que le label est une preuve de qualification et ne remettent pas en cause cet état de fait.
80% mettent en cause cette condition du label, décrite comme discriminatoire, source d’injustice et de clientélisme. Ils pensent qu’elle n’est pas un critère valable pour décider qu’une école de surf labellisée est plus à même de former un stagiaire, qu’une qui ne l’est pas.
Si cette question peut sembler évoquer une légende urbaine, il est pourtant admis dans la profession, pour diverses raisons que je vais énumérer, qu’il est impossible de bénéficier d’un stagiaire si l’on n’est pas labellisé :
* Issus principalement de centres de formation, émetteurs de label tels que la FFS ou partis prenantes dans le business des cours de surf tels l’UCPA, les stagiaires sont incités par leurs formateurs et futurs examinateurs à rechercher un stage dans une école labellisée.
* Les stagiaires doivent choisir une école qui corresponde aux critères d’une école labellisée FFS.
* Les stagiaires issus des formations d’entraîneur BIF ou fédéral ne peuvent travailler que dans des clubs labellisés et orientés vers la compétition.
Parmi ces 80%, les écoles labellisées FFS pointent d’autres difficultés qui rendent difficile aux écoles labellisées également l’accès aux stagiaires :
* Il n’y a pas suffisamment de stagiaires pour toutes les écoles labellisées.
* Les stagiaires obtiennent de plus en plus difficilement des financements, ces derniers retombent alors sur les épaules des écoles de surf qui doivent être en capacité financière d’avancer au stagiaire le coût de sa formation (cotisation à un organisme de formation). Seule la grosse structure peut alors se payer le luxe d’un stagiaire.
5. Pouvez-vous détailler quels organismes sont agréés par la DDCSPP (ou la Direction Jeunesse et Sports) pour dispenser des formations d’enseignement du surf ?
40% ont pu évoquer au moins un de ces trois centres de formation, FFS, l’UCPA et le CREPS ; 60% répondent par la négative. Il en ressort que les réponses sont majoritairement évasives sur ce sujet.
6. Quelles formations sont actuellement à votre connaissance dispensées par les organismes de formation ?
Hormis le BPJEPS, aucune autre formation n’a été évoquée dans 90% des cas.
Un brevet d’entrainement de haut niveau à destination des clubs de ligue a été évoqué une fois, de manière évasive.
7. Recevez-vous des informations quant aux formations dispensées par la FFS ou d’autres organismes agréés ? Quand et à quelle fréquence ?
90% de NON. 10% évoque de l’information sur le site et le facebook de la FFS.
8. La FFS vous a-t-elle déjà interrogés sur vos besoins en formation ?
NON à 100%
9. Depuis combien de temps travaillez-vous avec le BE et avez-vous passé de nouvelles formations ou modules de formation pour faire évoluer vos compétences techniques ?
Plus de 20 ans d’enseignement : 50%
10 à 15 ans d’enseignement : 30%
Moins de 5 ans d’enseignement : 20%
90% n’ont pas passé de nouvelles formations techniques. Les brevets de secourisme et le BF2 (parce qu’il n’existe plus) étant hors sujet.
10% évoque avoir bénéficié d’une formation Handi-Surf et d’une formation Surfriderfondation.
10. Selon vos besoins et désirs d’évolution professionnelle, la diversité des formations proposées est-elle satisfaisante ?
90% estime que NON.
10% déclare être bien informé sur la formation du BPJEPS, ce qui toutefois n’est pas évocateur de diversité.
11. En dehors du BPJEPS, les formations dispensées correspondent-elles à vos besoins ?
80% de NON.
10% sans réponse.
10% satisfait.
12. Pour améliorer vos compétences, quels seraient vos besoins en formation technique spécifique ? Précisez…
Une demande concernant le haut niveau, les outils d’analyse, la préparation physique, un renouvellement des données techniques, le croisement avec ce qui se fait dans d’autres pays.
13. Pour améliorer votre flexibilité à l’embauche et éviter que vos employés ne créent une école sur votre pas de porte, ne regrettez-vous pas le Brevet Fédéral 2ème degré ?
70% regrettent le BF2 ou l’absence de son remplacement par un diplôme équivalent.
30% répondent non à cette question car ils la comprennent comme une mise en cause de la libre concurrence.
Les répondants voient dans le BF2 un moyen de faciliter l’embauche tout en limitant la capacité de création d’entreprises concurrentes, c’est donc le fond et non la forme fédérale que prendrait ce diplôme qui les intéresse.
14. En tant que responsables d’école de surf, quel type de formation aimeriez-vous voir mise en place pour bénéficier de travailleurs saisonniers d’un niveau de compétence inférieur au BPJEPS mais tout de même correct?
Le BF2 (l’obligation de travailler en présence d’un BPJEPS, comme assistant BE) ou un diplôme de niveau inférieur au BPJEPS est évoqué (les écoles non labellisées veulent pouvoir elles aussi bénéficier de stagiaires et embaucher), un genre de brevet d’état allégé.
Seuls 20% des répondants rejettent les diplômes plus légers (français ou étrangers) en déclarant qu’ils sont moins qualifiants et créent une inégalité de traitement de la clientèle en terme de qualité et de sécurité de l’enseignement.
15. Que pensez-vous de l’ISA, diplôme européen, et du niveau de qualification de ce diplôme ?
80% de réponses négatives : injustice de traitement des ISA français (ne peuvent enseigner en France qu’après avoir travaillé dans un autre pays) et des ISA issus d’autres pays (qui peuvent enseigner en France dès la première année), diplôme au rabais, créations des conditions d’une concurrence déloyale envers les écoles nationales.
20% de réponses positives : facilité pour l’embauche, expériences positives.
16. Avez-vous déjà embauché un ISA ? Pourriez-vous embaucher un ISA et pourquoi ?
20% disent NON
10% disent OUI
70% disent un Oui par dépit, en nuançant par : “si je n’ai pas d’autre alternative, si je ne peux pas trouver de BE”.
17. Existe-t-il à votre connaissance un diplôme de niveau équivalent à l’ISA, délivré par les organismes de formation français, et qui vous permettrait d’embaucher un jeune français qui voudrait travailler comme initiateur surf ?
90% de NON
10%, réponse incertaine (évocation du BF2 qui n’existe plus)
18. Que pensez-vous du BPJEPS et de l’évolution du Brevet d’État vers cette formation professionnelle ?
50% n’ont pas d’avis (sans avoir expérimenté les deux dispositifs, il est difficile de porter un jugement tranché).
40% ont un avis négatif lié à l’allègement de la formation (disparition du Tronc Commun, du BNSSA), au manque d’évolution des contenus et à la diminution des moyens financiers.
10% ont un avis positif. On relève une augmentation de l’exigence concernant le niveau en surf des candidats.
19. Le BPJEPS selon vous est-il en adéquation avec les besoins du marché ? Besoin en nombre de moniteurs de surf ? Le BPJEPS et les organismes de formation prennent-ils en considération la problématique de la saturation du nombre d’écoles de surf sur certaines zones ?
60% pensent que ce diplôme n’est pas en adéquation avec les besoins du marché. Le paradoxe évoqué : chaque année, de nouvelles écoles de surf se créent alors que le marché sature et dans le même temps, il devient de plus en plus difficile de trouver des moniteurs de surf à embaucher.
70% pensent que cette double problématique n’est pas prise en compte par les organismes de formation.
20% ont un avis positif.
10% n’ont pas d’avis.
20. Quelles seraient vos idées pour améliorer les dispositifs existants et pour que la formation réponde à vos besoins mais tienne compte aussi de vos problématiques internes ? En vue d’améliorer la qualité de l’enseignement mais aussi les conditions dans lesquels cet enseignement peut être donné.
Réponses proposées : un brevet français entre l’ISA et le BF2 ; un minimum de 3 ans d’exercice avant qu’un jeune diplômé puisse créer son école de surf ; des modules techniques permettant de compléter le BEES ou BPJEPS de nouvelles compétences techniques spécialisées ; un système de formation continue pour permettre aux BEES de se former sans interrompre leur activité professionnelle ; une éducation aux nouvelles problématiques du marché (espaces saturés) auprès des jeunes en formation ; créer des équivalences européennes de diplômes avec des diplômes de niveau équivalent plutôt qu’avec le diplôme de la International Surfing Association, trop peu qualifiant.
21. En dehors de la technique d’activité, quelles compétences vous manquent qui pourraient être complétées par des formations spécifiques ?
La gestion du personnel. Comptabilité. Langues étrangères. Listing et prospection clients. Marketing. Maîtrise des outils numériques. Création et communication numérique. Maîtrise de certains logiciels (Xcel, Worpress, Indesign, photoshop). Montage video. Tourisme Durable. Etc.
Analyse :
Le BEES puis le BPJEPS ont permis à des générations de professionnels de valoriser un métier et de dépasser les clichés et blocages mentaux qui touchent au surf et plus généralement aux activités de service et/ou saisonnières (1). 50% des répondants à ce questionnaire exercent depuis plus de 20 ans, on ne peut donc pas décrire leur métier comme un “job d’été”, entendons par là, une activité précaire exercée à court terme en attendant de trouver un “métier stable et honorable”.
Ce questionnaire aurait mérité d’être diffusé sur une plus longue période mais nous avons souhaité le transmettre à de la DRJS à un moment où elle interroge le métier de moniteur de surf (enquête métier qui a été menée auprès de toutes les écoles françaises en 2017). Il n’en reste pas moins que cela a permis à la profession de s’exprimer avec ses mots pour établir un dialogue qui n’a que rarement lieu.
Ce qui ressort avec une grande netteté de ce questionnaire, c’est que de leur vivant, certains moniteurs de surf n’ont jamais été interrogés sur leur métier, leurs besoins, leurs problématiques.
L’organisme qui est le plus proche des surfeurs, la FFS, est perçue principalement comme un organisme collecteur de labels et organisateur de compétitions. Un organisme qui serait déconnecté des pratiquants, surfeurs et professionnels, de leurs besoins et problématiques, pour preuve le manque flagrant d’échange et de dialogue que révèle le questionnaire.
Par ailleurs, les enquêtes et les décisions portent fréquemment sur les écoles labellisées seulement ; de même que la FFS met sa politique de labellisation au centre de son action de formation (2).
Or, 70% des écoles françaises ne sont pas labellisées FFS. Pourtant, issues des mêmes centres de formation, elles devraient légitimement avoir les mêmes droits d’accès à la formation, aux stagiaires et à l’embauche que la minorité d’écoles labellisées.
Aux questions – êtes-vous informés, interrogés, écoutés sur vos besoins en formations et problématiques professionnelles – , la réponse est unanimement NON. Si l’on interroge les moniteurs de surf sur les formations qui existent, ils ont des difficultés à répondre. Cette vacuité exprime elle aussi un manque de communication, d’information, et peut-être de formations, mais aussi un malaise et une impuissance face aux enjeux de demain.
La richesse des formations proposées déterminera le futur de toute une profession avec deux options :
- Nivellement par le bas et précarisation, en faisant de l’ISA le modèle de base ? : de nombreux moniteurs font de leur activité professionnelle un métier, une carrière, en continuant d’enseigner ou en devenant gérants d’une structure école, souvent les deux. Quel avenir pour eux ?
- Préservation et amélioration du niveau de qualification des moniteurs français à travers la formation ? : pour empêcher la requalification de cette profession en “job d’été” (1), maintenir le niveau des salaires et la qualité de l’enseignement. Diversification des formations pour bénéficier d’animateurs qualifiés à opposer aux travailleurs ISA.
A l’heure où les JO de surf accaparent toutes les attentions, nous espérons que les acteurs du surf ne seront pas seulement utilisés comme un actif en terme d’image mais valorisés et protégés en tant que profession (3).
En permettant au surf d’être enseigné sous la forme d’un brevet d’état, la DRJS et la FFS ont créé un outil extraordinaire pour guider des générations entières vers une connaissance accrue de l’océan et de ses dangers, une qualification à haut degré d’exigence concernant la sécurité et la connaissance des dispositifs réglementaires.
Ce diplôme mériterait d’être mis en avant au niveau européen, il est quand même surprenant que ce soit un diplôme issu d’une association internationale hors sol européen, moins qualifiante, qui ait été retenue par les instances européennes. Doit-on y voir un lien avec la volonté politique qui a conduit à faire entrer le surf aux JO par le biais de l’ISA ?
La profession exprime un besoin en contenu technique renouvelé concernant le BPJEPS (modules complémentaires) et le désir de diplômes intermédiaires pour faciliter l’embauche d’aides à l’encadrement et l’acquisition de stagiaires pour tous les types de structures (labellisées ou non, petits indépendants et grosses structures, écoles privées et clubs) (2).
De nombreux dangers menacent la profession (saturation du marché, concurrence déloyale des ISA, difficultés d’embauche et de formation de stagiaires), l’association Eco-Safe Surfing s’est donnée pour mission de permettre aux moniteurs de surf de participer aux débats publics qui les concernent, en vue d’améliorer et de préserver leurs conditions de travail et leur exigence de qualité.
Nous saluons l’initiative de la DRJS à travers son enquête sur le métier de moniteur de surf, questionnaire dont nous sommes impatients de découvrir le compte rendu, afin d’enrichir notre réflexion.
(1) Voir l’enquête de Julien Barnu et Amine Hamouche, Industrie du tourisme, Le mythe du laquais, dont on peut lire ici un condensé :