Le GIP Littoral Aquitain, pour l’élaboration de son guide à destination des mairies pour réguler les problématiques de sécurité liées à l’augmentation du nombre d’écoles de surf, s’est inspiré de différents types de dispositifs réglementaires. La mairie de Capbreton a fait partie de ce panel de modèles, choisis non pas pour leur perfection mais pour leurs diversités d’approches.
Le fait de permettre à un club associatif d’assurer une concurrence déloyale sur les écoles privées, comme cela se pratique à Capbreton de manière tout à fait assumée, ne faisait pas partie des solutions validées par le cabinet d’experts juridiques du GIP Littoral Aquitain. Le Plan Action Glisse présenté en 2019 met en garde au contraire contre ce genre de dérives.
Dès lors, autoproclamée championne du GIP, la mairie de Capbreton a élaboré un nouveau dispositif d’adjudication du droit à enseigner sur les plages, qu’elle a présenté à ses voisins de Hossegor et de Seignosse comme la solution miracle pour justifier du choix des mairies à accepter ou refuser des candidatures.
Capbreton origins : le super dossier !
Dès lors pour la saison 2021, il s’agit pour chaque école de remplir un dossier dont l’intention est de noter les écoles selon des critères de sélection pré-établis.
Légalement, seul le pouvoir de police du maire, en vertu de son devoir d’assurer la sécurité des usagers de la plage, lui permet de réguler l’accès des écoles de surf au littoral, libre d’accès selon la loi.
Les mairies de Hossegor et de Seignosse ont donc envoyé par mailing la procédure à leurs écoles de surf respectives, celle de Capbreton a par contre décalé la procédure d’un an et reconduit automatiquement les écoles autorisées l’année précédente, elle s’est assise confortablement et puis elle a regardé le spectacle et compté les points, tranquillement. Allez-y les gars, nous on arrive, mais plus tard !
En effet, les gérants d’école de surf des trois communes respectives ont littéralement implosé lorsqu’ils se sont emparés du contenu de la procédure. A Seignosse, le maire leur avait dit, le futur dispositif, on le construira ensemble. Cela n’advint pas. Comme toujours, les professionnels n’avaient pas été consultés et cela s’est ressenti d’emblée sur le contenu même du dossier de candidature, bourré d’incohérences et d’éléments contradictoires, sources d’inégalités et d’interprétations subjectives, demandes intrusives d’éléments sans rapport avec une exigence en matière de sécurité ou même de qualité de l’enseignement.
Déroutées, de nombreuses écoles de surf se tournèrent vers Eco-Safe Surfing mais plus encore vers le Syndicat des Professionnels du Surf, afin de questionner la légalité de la procédure via son conseil juridique.
Les gérants d’écoles de surf découvrirent alors, qu’en lieu et place de la demande d’autorisation habituelle, en pleine crise du Covid, les mairies de Hossegor et de Seignosse leur imposaient en réalité une demande d’autorisation d’occupation temporaire : ce genre de procédure permet par exemple de construire une cabane sur le domaine public.
Or, la plupart des gérants d’école de surf ne font que passer sur la plage et le dépôt d’un sac à dos sur le sable ne constitue pas un usage privatif du domaine public à l’exclusion des autres usagers.
La lourdeur du dossier a également choqué les professionnels : pour travailler à plein temps deux mois de l’année essentiellement (juillet-août), on leur a demandé de constituer un dossier qui, pour être parfaitement rempli, nécessitait à minima un mois de travail, d’argumentation, constitution de projets, recherche de justificatifs, travail comptable, engagements écoresponsables, etc.
Dossier inspiré directement des appels d’offre pour un marché public, par exemple pour un chantier commandé par la mairie auprès de grosses entreprises du BTP ; à la différence près que dans le cas des écoles de surf, on ne leur demandait pas de suer sang et eau pour recevoir un financement de la mairie. Au contraire, on leur imposait sous la contrainte 1. une procédure sans rapport avec leur travail, 2. de s’acquitter du paiement d’une taxe en échange de leur droit au travail en zone réglementée !
Est-ce parce que les écoles de surf, en travaillant deux mois de l’année, gagnent des salaires de milliardaires ? On se rappelle qu’à l’âge d’or des multinationales du surf, les mairies leur déroulaient le tapis rouge. Ces sociétés ne semblaient pas coupables d’empocher des millions en faisant de la spéculation, en fabriquant des produits de mauvaise qualité au Bangladesh pour finir en licenciements drastiques dès que le marché du textile commença à s’infléchir.
Alors que l’industrie de l’hôtellerie, de la restauration et du spectacle vivent une situation tragique, le secteur des activités de plein air parvient à traverser la crise du Covid sans trop de casse. Bien qu’étant impacté lui aussi par les restrictions, les mois d’arrêt pour causes d’interdiction de la pratique du surf, de limites de déplacement, de couvre-feu.
Au lieu de se réjouir que le secteur des écoles de surf résiste à la crise, au lieu de l’aider, de travailler conjointement, les mairies ont accablé ces entreprises avec des procédures administratives kafkaïennes, extrêmement lourdes et discriminatoires, et qui plus est illégales selon le rapport du cabinet juridique du SPS.
En plein mois de février 2021, nombre d’écoles de surf ont du renoncer à préparer leur saison pour remplir ce dossier, suspendu comme une épée de Damoclès au dessus de leur tête.
Il faut rappeler que gérer une école de surf ne consiste pas à surfer ou même simplement à l’action d’enseigner, il faut gérer la communication digitale, le marketing, l’entretien et le renouvellement du matériel, la prospection clientèle, la comptabilité et mille autres postes qui dans un secteur très concurrentiel vont conditionner la capacité d’une école à gagner sa vie.
Pendant ce temps, les écoles qui travaillent hors zone réglementée, parfois sans diplômes et sans agréments (de la part des mairies et de la DDCSPP), ont pu quant à elles occuper les espaces laissés vacants par les écoles implantées sur le territoire.
Rappelons également que l’enseignement du surf est une activité saisonnière et que de nombreux gérants d’écoles de surf ont un deuxième travail le reste de l’année, quand ils ne poursuivent pas des formations. Or ce dossier les a plongés dans une sinistre dépression, en les accablant d’une surcharge de travail injustifiée pour légitimer leur capacité à donner des cours de qualité sur une commune deux ou trois moins dans l’année. Alors qu’ils exercent ce métier pour certains depuis plus de vingt ans.
Retour des corvées médiévales et de la gabelle
Le plus drôle, alors que nombre de gérants d’écoles de surf font partie du tissu local et s’y investissent selon leurs inspirations et capacités, c’est que le dossier leur impose de mener à bien des projets à caractère social et bénévoles, de ceux qu’on attend d’une association qui vit des subsides publics mais moins d’une structure privée dont le but est tout de même de gagner de l’argent.
Belle célébration de la féodalité, de la part des mairies, que d’exiger des écoles de surf, comme condition au travail, qu’elles s’acquittent de corvées ou du paiement de taxes que seul l’État serait d’ailleurs en droit de créer. Quant à poursuivre des actions sociales ou de protection environnementales, les écoles de surf le font avec d’autant plus de plaisir que l’initiative ne leur est pas imposée de l’extérieur par un organe tutélaire et condescendant mais qu’elle émane de leur seule volonté.
Les mairies ont moins de courage lorsqu’il s’agit de réglementer des grosses entreprises telles que Monsanto, ou les promoteurs immobiliers qui bétonnent la rue des Marsouins de Capbreton, ils s’attendent là en effet à une certaine résistance.
Par contre, lorsqu’elles s’intéressent au business des écoles de surf, les mairies ont la vision de surfeurs désorganisés, individualistes, incapables de résister au chantage larvé que constitue localement toute demande auprès d’une municipalité, en les plaçant en dépendance vis-à-vis de ces mairies. C’est ainsi que lors de la dernière mandature, les écoles seignossaises s’étaient vues ponctionnées de 500 € par moniteur chaque année, sans contreparties. En échange de leurs autorisations. Près de 40.000 € ont ainsi été soustraits aux écoles de surf, on n’a jamais su véritablement vers quelle destination. Joli coup de racket, estampillé « mairie bananière».
Dans la profession, mise en difficultés, les mentalités sont en train de changer, les individus qui gèrent ces écoles de surf ont compris que pour se protéger de l’arbitraire, elles pouvaient s’abriter derrière des représentations interprofessionnelles telles que le SPS, avec tout le poids et le crédit que l’on attribue à un syndicat.
L’abolition de la parole
Si de telles pratiques, d’ingérence du représentant de l’État dans le vie privée des entreprises, ont pu se perpétuer, c’est bien parce que les individus qui composent ces écoles de surf ont peur de s’attirer le courroux du pouvoir local. En effet, comment critiquer ouvertement l’institution qui a le pouvoir de vous interdire de travailler ou de vous circonscrire à la marge des territoires, dans ce qu’on appelle les zones non réglementées.
D’un côté, une absence de parole contradictoire des professionnels sur les sujets qui les concernent. Car ils sont dépendants de leurs municipalités. Et qui, lorsqu’ils ont le courage de s’exprimer, ne sont pas entendus collectivement.
De l’autre, une parole institutionnelle déconnectée de la réalité du terrain, impuissante à régler les problématiques sociales : en effet, les mairies, les instances du tourisme, la Direction départementales de la cohésion sociale et des populations (DDCSPP) travaillent chacun de leur côté, se rencontrent lors de réunions de travail en prenant soin de surtout ne jamais remettre en question les actions des uns et des autres. Tout ces bureaucrates doivent parler le « gentil », ne pas faire de vagues, ne pas troubler la marche inexorable du train train administratif.
Ainsi, la faillite de la DDCSPP, faute de moyens humains, à protéger les écoles – en règle – de la concurrence déloyale des écoles de surf contrevenant aux règles établies (pour garantir la sécurité du public), se traduit par la décision du maire de Seignosse de financer un poste de beach marshall – dédié au contrôle des écoles de surf – en faisant endosser le paiement de ce poste par les écoles de surf implantées sur son territoire. Sorte de privatisation de la mission publique.
Précisons qu’aucune précision sur la mise en place de cette mission n’a été donnée aux dirigeants d’écoles de surf, qui leur eut permis d’évaluer ce poste, pour l’instant fictif : nouvel employé municipal dédié à cette mission de contrôle, rajout de cette attribution à un policier municipal déjà en poste, en plus de ses nombreuses autres attributions, qualifications de la personne en charge, jauge pour évaluer l’efficacité de son action sur le terrain ? Un bel exemple d’opacité qui rappelle le système qu’avait mis en place l’ancienne équipe municipale.
Les écoles incriminées par la concurrence déloyale des contrevenants aux règles se voient donc de surcroît gratifiées d’une sanction financière, comme si elles étaient coupables d’être à jour de leurs obligations légales !
Quelle instance publique viendra protéger ces écoles de surf de réglementations hors la loi, pondues par des municipalités ? Aucune. Comme souvent, pour les questions d’ordre social ou environnemental, les citoyens n’ont d’autre recours que de se tourner vers des associations ou des syndicats puis vers la justice. Triste constat.
Phénomène récent, le regroupement des écoles de surf indignées par cette injonction – candidature contre redevance – a fait front commun contre cette taxe, totalement injuste et illégale. Nous verrons comment la mairie de Seignosse, tendue vers son but, faire payer les gueux, a imaginé un nouveau biais pour justifier le paiement de cet impôt. En perpétuant la tradition qui consiste à ne surtout pas questionner la corporation sur ses besoins et ses attentes, à réglementer d’abord, discuter ensuite, mais pour la forme.
Rappelons que le nouveau maire, Mr Pécastaing, lors de la campagne électorale, avait laissé entendre qu’il ne perpétuerait pas ce système de taxe – droit d’accès au travail en zone réglementée – et a donc été élu par bon nombre de gérants d’écoles de surf sur de fausses promesses.
Ainsi, on observe l’abolition de la parole des acteurs du surf (absence de consultation) et l’abolition de la parole publique, au sens de la parole donnée. Alors que de belles choses eues pu s’accomplir dans la coopération plutôt que par la contrainte. Certains y verront une sorte de management à l’ancienne, peut-être pas moyenâgeux, mais quand même pas très progressiste.
Eco-Safe Surfing vient donc offrir une tribune aux sans voix qui composent toute une profession, pour décrire la réalité telle qu’elle est vécue par les gens qui travaillent sur le terrain, sans langue de bois, sans discours policés, sans hypocrisie.